Terzetto

Jacques Calonne

Né à Mons en 1930, vit à Bruxelles.

Musicien de formation, Jacques Calonne suit simultanément les cours d’art dramatique et de dessin de l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Il rencontre le compositeur André Souris en 1948 et commence à fréquenter les milieux surréalistes. Un an plus tard, il fait la connaissance de Christian Dotremont et participe au mouvement CoBrA dont il devient le plus jeune membre. Il rencontre notamment S. Vandercam, P. Restany, Y. Klein, R. D’Haese, P. Alechinsky…

Après la dissolution du groupe, il continue de perpétuer l’esprit antiacadémique et pluridisciplinaire du groupe et se partage entre les arts plastiques et la musique. En 1954, il séjourne à Darmstadt, en Allemagne, où il noue des contacts avec l’avant-garde musicale et débute des œuvres de type sériel. En 1970, il présente sa première exposition personnelle à la galerie Dierickx à Bruxelles et réalise l’année suivante ses premières encres sur papier à musique. Il édite également seize lithographies au Daily Bul. Son travail graphique se situe dans une certaine tradition de l’écriture plastique. Son œuvre se partage ensuite entre écriture, calligraphie, composition musicale et recherches poétiques.

D’après l’introduction à l’exposition Ostinato, Maison de la Culture de Namur, 2013.

Textes critiques (by courtesy Galerie Didier Devillez)
Calonne ! Jacques Calonne !

C’est un nom aux couleurs chaudes et pleines, à prononcer à voix haute, si possible en frappant le bois poli du piano avec le cul de la bouteille. C’est un nom à faire claquer comme une timbale dans l’air bleu et glacé, car les occasions sont rares de faire trembler les vitres embuées de notre temps – brr ! Jacques Calonne est un homme orchestre ; c’est peu dire que son œuvre est une caisse de résonance : celle d’une époque pas si lointaine où quelques irréguliers du verbe et du signe peints décidèrent de mêler joyeusement leurs travaux et leurs vies.

À Copenhague, Bruxelles, Amsterdam ou Silkeborg, ils retrouvèrent les neiges d’antan, et soudain l’enfance ne fut plus bêtement éternelle : elle fut inflammable. À force d’épier la danse des sons dans l’air, Jacques Calonne a su dévergonder la musique – cette bourgeoise, cette mijaurée.

Arrachant les notes aux partitions où elles s’ennuyaient avec distinction, ce peintre à la baguette leste a composé une œuvre musicale et picturale en trempant ses mains dans la vie jaillissante, à l’état brut – cette matière grouillante, dense, silencieuse et noire comme de l’encre. Et voici que résonne contre la paroi d’une feuille blanche l’écho de vieilles gouttes de son gelées au fond de l’être qui explosent en couleurs, en fluides, en arabesques déliées, en mouvements désordonnés et aléatoires, mais non sans harmonie – compositeur oblige.

Jacques Calonne est un homme qui, à l’image de la vie, n’a pas eu peur de faire des taches. Essuyez vos larmes avant d’entrer, venez vous rincer l’œil ou le tympan, au choix, et vous verrez : après, le signe et le son, tout comme l’espace où ils se démènent, ne sont plus ce qu’ils étaient. C’est d’ailleurs tout le mal, sinon le seul, qu’on leur souhaite.

François de Coninck (février 2007)

Rythmes légers d’un musicien des signes

Né à Mons en 1930, l’artiste est musicien de formation et cela n’étonnera personne. Il suffit de jeter un œil aux cimaises de la galerie Devillez. Tout y est musique. Les signes, les taches, les arabesques, les formes libérées, les choix des coloris déclinant, en cadence, un dégradé chromatique harmonieux ou une écriture monochrome tressaillant de vie. Calonne « calligraphie » sur papier arche, papier chiffonné voire échantillon de papier peint, des messages rythmés comme des partitions venues de la nuit des temps. À l’aquarelle, à l’acrylique, à l’encre de Chine, il trace un chemin qui se faufile entre écriture, peinture, musique.

Faut-il préciser au passage que l’artiste rencontre en 1949 — il a 19 ans — Christian Dotremont, l’inventeur des logogrammes, et devient le plus jeune membre du groupe Cobra, auquel il restera fidèle même après sa dissolution. Homme multiple, poète, graphiste, compositeur, il passe avec une aisance déconcertante de la technique de musicien à celle de peintre. Du piano au pinceau et à la plume.

La main de l’artiste sait l’art subtil de transformer en éclats de lumière de simples signes qui aussitôt s’envolent, respirent, s’étirent en coulées de bleus, de verts, de gris, de rouges que ponctuent (à la manière de Dotremont) de petits textes, à peine lisibles et sans grand rapport avec le sujet, du genre : « sans direction intentionnelle » ou encore « par enlacements », « avec quelques battements »…

Au spectateur d’interpréter ou de gamberger. C’est la gestuelle de la plume ou du pinceau courant, dansant, sur le papier qui donne naissance à la poésie de ces signes tout empreints d’émotion. C’est le jeu mouvant des entrelacs chromatiques qui donne à l’image sa respiration. Et quand la musique s’insinue entre les « lettres » de ce mystérieux alphabet, elle investit les portées à coup d’écritures secrètes, étirées, déliées — forcément noir sur blanc — rythmant, pour qui veut bien prêter l’oreille, une série de « Suites Isabelle » aussi légères que celles écrites par Jean-Sébastien Bach pour Magdalena. Tout est spontanéité dans l’œuvre de Calonne et la liberté exprimée par chaque coup de pinceau, chaque tracé de plume, relève de la séduction. Le plaisir qu’il procure est identique à celui du spectacle d’un vol d’oiseau striant le ciel.

Il faut prendre du temps pour observer jusque dans le moindre détail les efflorescences de cette œuvre raffinée et écouter chaque note d’une petite musique silencieuse faisant abstraction du langage. « J’écris pour voir », affirmait Dotremont. On pourrait ajouter : Calonne peint pour écouter…

Colette Bertot

Plus d’infos sur http://jacalonne.be/

André Lambotte

Né à Namur en 1943. Il y vit et travaille ainsi que dans les Ardennes.

D’abord attiré par la musique (il fut musicien de jazz), c’est aux arts plastiques qu’il se consacre ensuite tout en restant un mélomane passionné. En 1972, il «embarque dans l’aventure singulière d’un art basé sur le signe, le rythme, la structure, la répétition, la durée» (1) et entame ce qu’il nommera les Anthropographies, sortes d’écritures automatiques aux signes vaguement anthropomorphes tracés très spontanément à l’encre de Chine en registres superposés telle une page d’écriture.

C’est à cette époque qu’il fréquente assidûment Christian Dotremont et qu’il renonce à la peinture à l’huile pour l’encre de Chine, à la toile pour le papier et, du moins le plus souvent, à la couleur pour le noir et blanc. Graduellement, ses Anthropographies se densifient et se délestent de la figuration, déjà toute relative, pour se métamorphoser en graphies abstraites privilégiant ainsi la structure, le rythme, la texture.

A partir de 1986, sans pour autant abandonner l’encre et le papier, André Lambotte revient progressivement à la couleur au moyen de traits de crayons (de couleur) qu’il superpose en de nombreuses strates « afin d’illuminer par le dessous le dessin (à l’encre) à venir ». (2)

La maîtrise de cette « technique mixte » permettra la réalisation d’importantes séries qui démontrent la constante évolution d’un artiste « qui s’offre un champs d’exploration désormais infini ». (3) Ce traitement frémissant de la surface colorée, explorant avec obstination les lisières ténues de l’espace et du temps servent « un lyrisme d’autant plus rare qu’il ne donne pas immédiatement toute sa saveur mais invite discrètement chacun à en percevoir l’essence ». (4)

Depuis peu, André Lambotte s’applique davantage encore à interroger la notion de temporalité à travers diverses variations qui traduisent, de manière très subtile bien que de plus en plus radicale, une expression à la fois minimaliste et maximaliste.

  • (1) Josepha Knaepen, in catalogue de l’exposition itinérante Confrontation, Lannoo, 1993.
  • (2) Ibid.
  • (3) Claude Lorent, L’énigme de l’univers, in La Libre Culture, 3 octobre 2007
  • (4) Balthazar Bertrand, lettre à André Lambotte.

Sebastian Lerot

La jeunesse de Sebastian Lerot n’en fait pas un compagnon historique de Jacques Calonne et d’André Lambotte. Mais ses dessins au crayon, dans une douce musicalité, d’un geste à la fois répété et retenu, s’accordent à ceux de ses prédécesseurs.

Douce musicalité,
Un parcours visuel dans une trame de signes.
Un support sur lequel des micro-structures saturent l’espace jusqu’à la masse uniforme.
Le geste retenu pour mieux accéder aux refuges du mouvement.
L’aboutissement d’une chorégraphie.
« Seul ce qui est essentiel se répète » G.Poulet

Sebastian Lerot

Artiste-plasticien belgo-irlandais (1979). Actuellement travailleur de la terre, après avoir travaillé comme technicien de théâtre/danse, technicien d’imprimerie, modèle,… Diverses formations artistiques glanées de tous côtés : plusieurs années en cours du soir en lithographie dans l’atelier de G.M., Académie d’Ixelles ; très courts séjours à l’Institut Saint-Luc Bxl (1997), ainsi qu’à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1998).
(+ Humanités artistiques.)

Expositions

  • 2011. Exposition de groupe dans le cadre des 30 ans de l’option artistique du Collège Cardinal Mercier à Braine-l’Alleud.
  • 2010. Exposition personnelle de dessins à la Médiathèque de la CFB de Woluwé-St-Pierre.
  • 2010. Sélectionné dans le cadre de la Collection RTBF/CANVAS Collectie à BOZAR.

Plus d’infos sur http://sebastianlerot.wordpress.com/

ARTISTE

Terzetto : Calonne - Lerot - Lambotte

DATE

2015-2016

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