Colette b., peinture
« La critique d’art est aussi imbécile que l’espéranto », disait Cendrars. Ainsi, je ne vais aucunement me lancer dans une analyse de l’œuvre peinte de Colette b., ni chercher à tisser des liens avec des références connues. C’est trop facile de dire qu’il y a des inspirations, que ses toiles sont proches de X ou de Y. Oui, il y en a et c’est normal. Qui peut vraiment dire qu’il n’a jamais été influencé ?
Ce qui m’intéresse dans la peinture de Colette b., c’est son rapport personnel à la couleur. Et la couleur, c’est ce qui permet d’entrer en résonance avec la toile. La couleur stimule nos sens, soulève en nous des émotions, évoque des souvenirs. Les couleurs ne sont pas neutres. Elles peuvent déclencher des réactions, des humeurs, des joies, des peines. En fait, en nous offrant des surfaces colorées, Colette B. se livre, nous apporte ses états d’âme, ses combats intérieurs, ses luttes incessantes pour que les vibrations qu’elle donne à sa peinture puissent être ressenties par ceux qui vont ensuite la regarder.
Mais cet objectif n’est pas primordial. Pour elle, la seule chose qui compte, c’est de se confronter à une surface sur laquelle elle va appliquer de nombreuses couches de peintures. Celles-ci, en se superposant, vont acquérir, si elle veut que son travail la satisfasse, une profondeur et une transparence qui invite au dialogue.
Tout d’abord, ce dialogue est intime. Il lui appartient. Il reste aussi secret. Mais pour qu’il puisse ensuite, comme maintenant, être partagé, il doit être verbalisé. Ainsi, en cherchant à mettre des mots sur des percepts visuels, j’entre en communication. Pour partager des émotions, tout personnelles soient-elles, il est fondamental de recourir à la verbalisation. La peinture peut ainsi devenir objet de partages, d’échanges. Quelle soit figurative ou non, elle invite au discours.
L’élaboration de celui-ci peut ensuite se construire, de la simplicité vers la complexité, en essayant au départ de dire simplement, j’apprécie ou pas, puis de chercher à expliquer pourquoi on apprécie ou non. En mettant des mots sur des sentiments, on se livre, on se découvre. En réalité, on entre dans les concepts. Dès que ce stade est atteint, il devient fondamental de les définir, de les cerner. Il faut alors faire attention de ne pas vouloir a priori intellectualiser. Il est souvent facile de tomber dans ce travers. Cela donne l’impression d’étaler sa culture.
Pour ma part, lorsque j’ai découvert le travail de Colette B., je me suis d’abord tu. J’ai simplement posé mes yeux sur ses toiles m’imprégnant de leurs couleurs, de leurs transparences, de leurs fluidités. J’ai ensuite perçu leurs constructions, les applications des multiples couches dont elles sont composées. Ensuite, d’autres images mentales se sont superposées, des références certes, des influences aussi que très vite j’ai repoussées. J’ai ensuite cherché à me placer en face de celles avec qui me procuraient des sensations de bien-être, qui installaient un dialogue intérieur, des interrogations, des émotions.
La pure peinture quasi monochrome instaure ainsi d’incessantes interpellations, sans doute nettement plus que les œuvres figuratives qui imposent des sujets définis. Cette peinture-là se modifie au gré de la lumière, des heures, de ses propres sentiments. Elle invite sans cesse au voyage, celui d’une introspection qui ravive en chacun de nous d’innombrables sentiments.
Par son travail élaboré avec acharnement et combativité, Colette B. permet que ces dialogues intérieurs s’installent. A partir de là, les mots ne servent plus à rien.
Patrice Allanfranchini, juin 2012
Parcours
De son vrai nom Colette Eigenheer-Bourquin, colette b. vit et travaille dans la région de Neuchâtel en Suisse.
Après les scolarités obligatoires, colette b. entre dans le monde professionnel par différentes portes : une formation en animation socioculturelle, une formation en art textile (tissage et tapisserie) et une formation en art-thérapie.
Dès 1985, une rencontre déterminante avec U. Kern, professeure à la Schule für Gestaltung de Bâle, la conduira à la peinture. Son travail sera essentiellement axé sur la Couleur et la Forme.
Depuis une dizaine d’années et parallèlement à sa démarche picturale, colette b. enseigne et accompagne des jeunes en situation de handicaps mentaux avec comme support principal, la créativité. Ces différentes pratiques sont devenues le ferment qui soutient et aide sur le chemin de la création. A cela s’ajoutent les lectures et les voyages, en Amérique du Sud, au Mali, dans le Sahara, en Algérie ou en Mauritanie. Des séjours à Paris (fréquents, la Suisse est tout près), à Berlin et à Bruxelles, pour arpenter les musées, autres lieux de rencontre, pour approfondir, pour nourrir la quête ou, tout simplement pour respirer autrement, ailleurs.
Principales expositions depuis 2000
- 2015 : Exposition collective Visarte NE, Théâtre du Passage, Neuchâtel
- 2014 : L’intimité de l’espace, Galerie Alexandre Mottier, Genève
- 2013 : Ouverture, exposition collective, Galerie Alexandre Mottier, Genève
- 2013 : À l’Atelier, Noiraigue/NE, avec les potiers d’Egypte
- 2012 : Galerie Couteron, Paris • Galerie 2016 Hauterive/NE • Galerie d’art Junod, Nyon/VD
- 2010 : Peinture et céramique,À l’Atelier, Noiraigue/NE
- 2009 : À l’Atelier, Noiraigue/NE
- 2008 : Galerie Alexandre Mottier, Genève • Art et design, exposition collective, Galerie Alexandre Mottier, Genève
- 2007 : Coups de cœur, exposition collective, Galerie Alexandre Mottier, Genève • Galerie Lieux partagés, Morges/VD
- 2006 : Exposition collective, Galerie Marie-Louise Müller, Cormondrèche/NE • Galerie du Soleil, Saignelégier/JU
- 2004 : À l’Atelier, Noiraigue/NE
Site web : www.coletteb.ch
Hughes Dubuisson, sculpture
Eros aux entrailles
Hughes Dubuisson investigue depuis une petite dizaine d’années le potentiel formel et expressif de matériaux labiles et capricieux tels que la silicone, le polyuréthane, le polyester ou la fibre de verre. Souvent agglutinées sur des ossatures de bois, ces textures, molles sirupeuses avant leur durcissement, forment des arborescences flamboyantes, de remuantes concrétions. Volumes autonomes ou hauts-reliefs, ces minéralisations excentriques bouillonnent d’énergie. « Naturalia » conviées au siège de l’artifice, elles subissent néanmoins la loi du cadre, autant que les contraintes de mise en œuvre et les enlisements de la pesanteur. Voir l’attaque franche et claire du couteau ou le bâillonnement sous le froid silence d’un mur lisse. Foisonnement et entrave, profusion et repli, soif et ascèse : telles sont les lignes de tension traversant l’œuvre d’Hugues Dubuisson. Ce qui remue sous les verrous : le désir certes, l’appétit, la promesse de banquets nuptiaux. Mais encore les peurs primales, les sèves incendiaires, la frénésie dévastatrice. On voudrait crever l’écorce, libérer le magma. Mais il brûle. Il faudra le contraindre, civiliser l’ardeur.
Ces pulsions adverses ont aujourd’hui trouvé un point d’équilibre en creusant des organes de plâtre d’un réseau de galeries et de venelles. Il s’agit de ventres lisses et tendus dont l’épiderme frémit sous la poussée des viscères. Chaque pièce est ouverte, percée d’une fenêtre dont la position a été scrupuleusement déterminée en fonction du cadrage recherché. L’ouverture happe le regard et le corps vers un paysage intérieur, une grotte miraculeuse creusée par de longs écoulements, une lente érosion. Il est incontestablement question de temps, de mémoire enclose, informe et par endroits inaccessible : l’œil aura beau fouiller certains couloirs, il n’en touchera pas l’intimité. Mémoire, mystère et secret, c’est à ces rives que conduit inexorablement la technique ici sollicitée : le moulage, procédé d’Hughes Dubuisson a apprivoisé à l’atelier du Cinquantenaire.
Il faut visiter cet antre, gavé de coffrages, d’épais fantômes. Feuilleter cette halle où s’assemblent congrégations de fragments et légions de copies : bustes, têtes et mains associés, entassés en vrac. Athlètes, satyres et Vénus, David et Victoires. Stimulante étrangeté : c’est dans ce vivier sainement désuet qu’Hughes Dubuisson a confirmé ses affinités avec la sculpture. Affinités charnelles : qu’il s’agisse de la voir ou de la faire, la sculpture engage un corps à corps, une épreuve physique. Et que dire dès lors du moulage ? Ce n’est plus cerner un volume, le contourner, le « mater », c’est l’étreindre, le posséder. Tant et tant qu’on peut encore le reproduire, puis le polir, le caresser, l’achever.
Hughes Dubuisson connaît bien cette intensité silencieuse. Il s’y tient au plus près. Ses nouvelles pièces ne se positionnent pas au terme du processus de fabrication, mais en plein cœur. Elles sont au fruit, pas au fleurissement. Ce sont des matrices, des ventres ouverts, des crevées sur les territoires effleurés à l’étreinte. Terres d’appel où se perdre, plissées d’eau, chaudes et caverneuses. Labyrinthes et abris où l’hôte s’est perdu : le noyau de polyuréthane s’est éteint dans l’empreinte, décomposé dans sa quête des origines.
Laurent Courtens, adaptation d’un article paru dans L’art même, n°40, 3e trimestre 2008
Parcours
Né à Bruxelles en 1971, Hughes Dubuisson vit et travaille à Bruxelles. Il se forme en 1990-94 à l’Ecole des arts d’Anderlecht (atelier de peinture) et en 1994-96 à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles (Atelier de peinture monumentale et atelier de dessin). Il expose depuis 1998.
Principales expositions depuis 2000
- 2016 : H. Dubuisson – S. Van Steendam, Galerie Albert Dumont, Bruxelles.
- 2014 : Matières Premières, Maison des Arts de Schaerbeek, Bruxelles.
- 2013 : Peintures récentes, Galerie Albert Dumont, Bruxelles
- 2012 : Antrum, L’orangerie, Centre culturel de Bastogne
- 2011 : Hughes Dubuisson et Pat Andréa, Galerie Florence Rasson, Tournai • Flesh2, Musée Iancelevici, La Louvière / ISELP
- 2009 : Flesh, ISELP, Bruxelles.
- 2008 : Hughes Dubuisson et Maria Dukers, La galerie.be, Bruxelles.
- 2004 : Recherche 2004, Exposition des boursiers de la Fondation de la Tapisserie, des Arts du Tissu et des Arts Muraux de la Communauté française, Centre de Recherche, Musée de la Tapisserie, Tournai • Expo x3, Musée Iancelevici, La Louvière • Mater Materiae, Espace Blanche, Bruxelles • Jeunes Peintres Belge (sous le parrainage de Claude Lorent), Galerie Usage Externe, Bruxelles • Transparences-Fragment 1, Maison d’Art Actuel des Chartreux (MAAC), Bruxelles
- 2003 : Œuvres récentes, Espace Entrée Libre, Hôtel communal d’Etterbeek, Bruxelles.
- 2002 : Frame Contemporary Art Project, Bruxelles
- 2001 : Débordements de salon, Le Chalet de Haute Nuit, Bruxelles • Femina, Kunsthuis de Clairemarais, Turnhout • Il pleut de images et des mots. Hommage à Apollinaire, Musée Guillaume Apollinaire, Abbaye de Stavelot • Galerie La Papeterie, Parcours d’Artistes de St-Gilles, Bruxelles • Point(s) de vue : Paysage 1, 30e anniversaire de la Galerie de Prêt d’Œuvres d’Art (GPOA), Château Malou, Bruxelles
- 2002 : 2000, Prix 51, Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de la Ville de Liège, Liège • D’une chose à l’autre, Initiative de l’association d’artistes ALTER, Brasserie des Alliés, Charleroi
Site web : www.hughesdubuisson.be
Thomas Jodogne, peinture – dessin
Thomas Jodogne reçoit très jeune une formation classique en dessin et peinture. Il approche la sculpture, la gravure et se passionne pour l’architecture. Son univers graphique a évolué vers une simplicité toujours plus grande, parfois hermétique, qui donne une importance renouvelée à l’espace blanc du papier. On remarque la prise en considération du trait pour lui-même, de la ligne qui croît et se divise. Le tracé naît d’un jeu entre le poignet, la main, le crayon et la feuille, pour le plaisir.
Il travaille le dessin comme un journal intime, captant la forme d’un geste, telle une main, ou l’ombre évanescente d’une pièce. Chacun de ces dessins se perçoit comme une tentative pour capter la trace de ces humeurs qui font la lumière particulière du quotidien. Il élabore généralement ses recherches de façon rapide et sérielle sur des supports tels que carnet et feuilles volantes : « je travaille de très nombreuses fois certains sujets afin d’en tirer l’essentiel. Un seul dessin n’arrive souvent pas à exprimer toute la complexité des choses. La série s’élabore en pelure d’oignon, couche après couche ».
Il peut arriver que ces recherches constituent une base de travail pour l’élaboration de compositions plus complexes exécutées en peinture, en sculpture, ou sous forme d’installation.
Si les sujets sont le plus souvent inspirés des choses familières, il lui arrive ça et là de glaner des images d’origines diverses, et de les classer ensuite. Son atelier est fait d’accumulations, de dépôts et de rangements successifs. C’est cet univers chaotique, ensemble d’objets appropriés, qui vient furtivement nourrir ses compositions et ses émotions. Et s’ils semblent dérisoires, ils ne sont pas choisis au hasard. Ils sont l’incarnation quotidienne d’une obsession sentimentale, formelle ou conceptuelle du dessinateur. Ils catalysent les recherches en cours.
Arnaud Gsell
Parcours
Thomas Jodogne est né à Uccle (Bruxelles) en 1966, il est diplômé de l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles (1990) et expose depuis cette date. La conception et réalisation de scénographies théâtrales est une autre facette de son travail artistique. Aujourd’hui, il est enseignant de dessin à la Haute École Francisco Ferrer (Supérieur artistique, section Arts appliqués) et enseignant à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles – École supérieure des Arts (Option Peinture).
Principales expositions depuis 2000
- 2017 : Vitamines Arts (Académie des Beaux-Arts de Tamines) – Exposition personnelle
- 2009 : ARTour 2009 (Étangs de Strépy) – Exposition collective • La Savonnerie (Bruxelles) – Exposition collective
- 2008 : Rencontre d’art: « L’Ô du rêve » (Carrières de Maffle) – Exposition collective
- 2007 : Chez G. Damas et J-Ph. Collard – Neven (Bruxelles) – Exposition personnelle
- 2005 : Zarty 2 (Bruxelles) – 3 expositions collectives
- 2004 : L’Alchimiste (Bruxelles) – Exposition collective
- 2001 : Galerie Arteaspoon (Bruxelles) – Exposition personnelle
- 2000 : Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles (Bruxelles) – Exposition collective
Site web : thomasjodogne.eu
ARTISTES
Colette b.
Hughes Dubuisson
Thomas Jodogne
DATES
Du 8 septembre au 8 octobre 2017
Ouvert du jeudi au dimanche
de 13h30 à 19h