Carl Jonckheere

Carl Jonckheere

Les éblouissements chromatiques de Jonckheere

“Il fut le premier jeune artiste auquel nous avions consacré un portrait Arts Libre. Depuis, il a fait du chemin. Entendez, il s’est tracé une voie qui, n’appartenant qu’à lui, ouvre toujours plus de perspectives de félicités, pour lui sans doute, pour qui regarde très certainement. Il a ses adeptes, toujours plus nombreux. Il s’affirme de mieux en mieux et, dans un registre chromatique endiablé, sa palette nourrit des élans qu’il contrôle et asseoit avec une maîtrise toujours plus ajustée.

Emigré au Paraguay pour causes d’amour et mariage, Carl Anthony Jonckheere poursuit un cheminement qui ne doit pourtant nullement ses épanchements colorés aux présumées lumières sudaméricaines qui, nous dit-on, ne sont pas aussi évidentes que ça là où il vit. Nous voyons plutôt sa trajectoire comme une réponse appropriée à un besoin pressant (oppressant?) d’exprimer avec une brosse et des pigments des élans intérieurs trop comprimés par une timidité à paraître et à s’affirmer en société. Pierrot lunaire ou grand escogriffe retranché sur sa planète, Petit Prince en ribote entre ciel et terre, Carl Anthony, même acculé, sinon en très petit comité, vous en dirait peu sur lui et sur ce qui le pousse à peindre. Réservé, retranché en ses rêves, il aura le sourire à l’oeil pour vous dire : “Regardez !”. A nous de l’apprivoiser.

Ses tableaux parlent pour lui. Et le font avec beaucoup d’habileté et de partage, pour peu que vous vous plongiez sans retenue en eux, yeux et cœur grand ouverts. Et l’on regarde et l’on savoure au fil du temps, du regard. Ce qui, à première vue, peut apparaître chaos de formes et couleurs est l’exact contraire : un jeu orchestré de saveurs conscientes, intériorisées, et dégorgées sur une toile.

Carl Anthony Jonckheere est le petit frère siamois de l’albatros de Baudelaire. Son double à s’y méprendre, que ses ailes de géant empêcheraient de marcher dès lors que confronté aux impedimenta du monde et des foules. Arpenteur des espaces métaphysiques ou poétiques, Jonckheere ne se sent jamais aussi à l’aise que face à sa toile. Elle est son registre secret, discret, le repère de ses émois couchés noir sur blanc ou, en couleurs, dans son cas.

L’huile est son domaine. Huile qu’il racle avec couteaux, racloirs et brosses, pour qu’empâtements, matières, boursouflures et générosités s’en suivent. Rythmes et couleurs. Point de collages mais une espèce de troisième dimension qui confie son relief au tableau. Un tableau vivant, expression sauvage et libre, libérée, d’un trop plein de retenue, que l’art soudain délivre. La veine créative se corse de nouveaux domaines. Les grands aplats de couleur ont laissé place à davantage de nuances. L’explosion chromatique s’affirme davantage délicate, davantage soumise à une suite de rythmes, de plongées et contreplongées–mers, rivages, escarpements de ponctuations soudaines de petits points brûlants.

Carl Anthony Jonckheere est un peintre, essentiellement. Mais sa “peinture” est aussi l’expression vivante de sa vie, de ses humeurs, de cet humour de situation qui le caractérise, albatros qui va, vient, se plante, s’oublie, se rattrape. Petits, voire minuscules, ou grands, parfois monumentaux, les tableaux de Jonckheere sont des mondes en soi, des infinis bourrelés d’accidents, de retenues ou d’explosions, de sourires et, peutêtre, de larmes. Sa peinture n’est pas séductrice, elle est une harmonie entre des chaos et des félicités avouant des rapports parfois aigus.

C’est une peinture aux surprises constantes avec des jubilations et des repos. Des rouges et jaunes flamboyants, du blanc, du bleu, de l’ocre.Du vert tendre au jaune implacable, du mauve léger à l’orange qui chante et, au beaumilieu, des rayonnements qui embrasent l’infini. Une toile de Jonckheere parle aux sens, parce qu’elle est la rencontre improbable et généreuse de couches d’huiles et de substrats de couleurs qui s’harmonisent dans leur disparité. Parfois la matière est fluide, frémissante, sensuelle. Parfois, elle est rugueuse comme du sable sur une grève humide. Les toiles de Jonckheere sont un peu ces fleuves tranquilles que bouleverse et bouscule, endiable soudain, un afflux d’alluvions, de courants contradictoires, de mouvements plus impétueux. 39 tableaux témoignent d’une énergie qui n’est point de façade. Il y a chez lui des odeurs, des saveurs bruyantes, appétissantes. »

Roger Pierre Turine – La Libre Belgique, Arts Libre, 21.11.14

Quelques dates

  • Carl-Anthony Jonckheere est né à Bruxelles le 13 mai 1975
  • Etudes en Belgique et aux Etats-Unis.
  • Diplôme en peinture de l’Institut des Arts Visuels de La Cambre (Bruxelles) en 2011

Expositions 

  • Chez Albert Dumont à Laeken en 2000 et 2008
  • Espace B à Glabais en 2002 (lithographies)
  • Ambassade du Paraguay en 2008
  • Galerie 2016 à Bruxelles en 2003, 2006, 2009 et 2014 ainsi qu’à Hauterive/Neufchâtel en 2006
  • Galerie Albert Dumont à Bruxelles en 2012 (solo) et 2013 (expo collective)
  • Galerie Hugo Godderis à Veurne en 2013

Philosophie

The painting is what it is. By addressing itself to the perception, the awareness, it opens a sensorial and physical dimension that stops abruptly the (intellectual) thought process. In the heart of the spectator’s life, it then manifests itself.
I act spontaneously, as if it be automatically, intuitively, and execute in the same manner. What drives me is a full and continues concentration.
In assembling my scattered pieces I become conscience of what I encounter, what is apparent, that continuous flow, without beginning or end, which in itself is the manifestation of the spirit. In trying to perceive the absence of separation between the elements, and their linked characteristics, in a way for the spectator, the painting is creating itself. (extrait du site)

Site web: www.carljonckheere.be

ARTISTE

Carl Jonckheere

DATES

Du 5 mai
au 4 juin 2017

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